Face à la gronde des voyageurs estimant que les prix des billets de trains ont explosé, la SNCF se contente d’affirme qu’il s’agit d’un problème de perception. Mais elle garde son système de tarification ultra-secret.
- Face à la gronde des Français sur les tarifs des billets de train, la SNCF assure qu’il s’agit d’une “impression”
- Pourtant les chiffres de l’INSEE montrent bien une hausse des tarifs
- Une enquête édifiante de Libération met en lumière des pratiques qui sont loin de nous “faire préférer le train”
Vous avez l’impression que les prix des billets de trains ont explosé ? Selon la SNCF, ce n’est qu’une impression. L’entreprise explique que les tarifs ont augmenté de 5% depuis janvier 2023, à cause de l’inflation. « Mais la dernière hausse remontait à 2014 » assure la SNCF à Libération qui a mené une grande enquête sur le sujet. La hausse des prix « est une perception, mais pas la réalité » insiste l’entreprise.
Pourtant, 6 Français sur 10 estiment que les tarifs des trains ont beaucoup augmenté durant les trois dernières années. Une « impression » confirmée par les chiffres de l’INSEE qui indiquent une hausse des prix de 8,2% en moyenne en juin 2023, juste avant les départs en vacances.
Qu’est-ce qui explique cette différence ? La SNCF a bien des difficultés à se justifier. Un cadre explique à Libération que « la SNCF raisonne sur une moyenne (…) Un Paris-Nice doit coûter 75 euros pour être rentable, pour que certains puissent en avoir à 37 euros, il faut d’autres paient 140 ». Soit. Mais lorsque Libération demande à l’entreprise quelle est la part de personnes payant leurs billets aux montants les plus élevés, « on ne peut pas vous répondre » rétorque la SNCF, évoquant le secret des affaires depuis l’ouverture à la concurrence en 2018.
Un argument complètement bidon explique un autre cadre de l’entreprise. « Si les concurrents veulent savoir, il leur suffit d’un petit robot qui enregistre les prix pratiqués » précise-t-il.
La « tour mystère »
Les prix des billets de trains se décideraient en fait dans une tour de La Défense. Baptisée « la tour mystère », cette « forteresse » représente « le nerf de la guerre » explique un conducteur.
Après beaucoup d’insistance, les journalistes de Libération ont réussi à obtenir quelques réponses, plus floues les unes que les autres. Après avoir rappelé que la hausse des prix n’était qu’une impression, l’attachée de presse de l’entreprise finit par expliquer que la SNCF utilise la technique du « yield management » depuis 1993 (avant elle facturait au kilomètre parcouru), la même que celle utilisée dans les compagnies aériennes ou les parcs d’attractions.
Grosso modo, c’est la loi de l’offre et de la demande : au fur et à mesure que les trains se remplissent, les prix augmentent. « Nos analystes regardent comment les trains se remplissent et ils ajustent les prix » explique l’attachée de presse. Comment ? Mystère et boule de gomme, il ne faut rien dévoiler à la concurrence. On connaît la chanson.
En saura-t-on davantage sur les prix des billets de train ? Non. Les Français continueront de se faire flouer tant que la concurrence ne viendra pas casser les prix, comme c’est le cas sur la ligne Paris-Lyon (Trenitalia) ou sur l’axe Lyon-Barcelone (Renfe). Si eux parviennent à proposer des tarifs intéressants avec un service plus premium, pourquoi pas la SNCF ? On a bien une idée, mais on se gardera de tout commentaire.
Jean Finez, sociologue à l’université de Grenoble spécialiste du domaine ferroviaire avance peut-être l’explication la plus probable : « en focalisant sur les prix, on évite de parler du reste ».
Détourner l’attention, un art dans lequel la SNCF semble être passée maître. « J’espère que vous allez faire le même article avec les prix d’Air France, assène l’attachée de presse de la SNCF à Libération. Pourquoi s’en prendre toujours à la SNCF ? ». Peut-être parce qu’il coûte moins cher de voyager en avion en 2023 alors que l’Etat, actionnaire à 100% de la SNCF, invite les Français à favoriser le train. Une démarche écologique qu’ils disent.
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