Les débuts difficiles de la concurrence ferroviaire en France

https://www.lepoint.fr/economie/les-debuts-difficiles-de-la-concurrence-ferroviaire-en-france-16-02-2022-2465170_28.php

L’Autorité de régulation des transports estime que l’ouverture à la concurrence peut dynamiser le secteur ferroviaire, y compris la SNCF.

Sur Paris-Lyon-Milan, le TGV se conjugue aussi a l'italienne.
Sur Paris-Lyon-Milan, le TGV se conjugue aussi à l’italienne.

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Deux mois après l’entrée en service des trains à grande vitesse italiens de Trenitalia sur ParisLyon-Milan, le retour d’expérience est positif. Bernard Roman, président de l’Autorité de régulation des transports (ART, ex-Arafer aux compétences étendues à la route et à l’aéroportuaire), s’en félicite. « Rencontré au Sénat lors d’une audition, Roberto Rinaudo, président de Trenitalia France, m’a dit être enchanté des premiers résultats de la ligne, au-dessus de ses prévisions, et va lancer prochainement trois dessertes supplémentaires. » Ce qui conforte l’observation de l’ART selon laquelle l’ouverture à la concurrence constitue un levier majeur de développement et de dynamisation du transport ferroviaire de voyageurs, au bénéfice de toutes les parties prenantes, y compris de l’opérateur historique (SNCF Voyageurs*, en l’occurrence).

Ce constat résulte de l’observation du trafic en Allemagne, en Suède et en Italie, pays qui se sont ouverts à la concurrence ferroviaire depuis au moins une décennie. En Allemagne, alors que les opérateurs ferroviaires alternatifs représentent plus du tiers du marché de transport ferroviaire de voyageurs, l’opérateur ferroviaire historique – la Deutsche Bahn – a vu ses trafics et ses revenus croître depuis l’ouverture à la concurrence, au début des années 1990. « Ainsi, l’ouverture à la concurrence ne se traduit pas par une simple substitution de services opérés jusqu’alors par l’opérateur ferroviaire historique par de nouveaux entrants. Elle est au contraire le vecteur d’un nouveau souffle pour le système ferroviaire dans son ensemble », constate Bernard Roman. « Dans le cas de Paris-Lyon-Milan, l’introduction d’une quatrième classe haut de gamme va inciter SNCF Voyageurs à faire du qualitatif. »

Le potentiel de croissance du réseau ferroviaire français constitue un véritable espace de développement de nouvelles circulations. Il affiche en effet une utilisation moindre par les services de transport de voyageurs. Avec près de 37 circulations quotidiennes de trains de voyageurs par kilomètre de ligne et par jour, l’intensité des circulations est plus faible que la moyenne observée en Europe, qui s’établit à 44 circulations. Même les lignes à grande vitesse ne sont pas saturées.

L’arrivée de Trenitalia sur l’axe à grande vitesse le plus intensément circulé entre Paris et Lyon le démontre. L’entrée de Trenitalia ne s’est pas faite au détriment de SNCF Voyageurs, qui n’a pas été contrainte de diminuer son nombre de circulations pour faire de la place au nouvel entrant. Face à cette demande, le gestionnaire du réseau ferroviaire, SNCF Réseau, a été en mesure de maintenir le nombre de fréquences souhaitées par SNCF Voyageurs tout en permettant à Trenitalia de réaliser ses nouvelles circulations.

Péages trop élevés

Parmi les freins notables, le niveau des péages, ces redevances d’accès à l’infrastructure ferroviaire, est relativement élevé en France. Elles représentent ainsi près de 90 % des revenus du gestionnaire d’infrastructure en France (SNCF Réseau), alors qu’elles couvrent, en moyenne, environ 50 % des charges des gestionnaires d’infrastructure chez les autres en Europe. La distorsion de concurrence est quasi institutionnelle. « Le lien de dépendance entre SNCF Réseau et SNCF Voyageurs fait qu’à l’horizon 2030, près de 20 % des investissements de SNCF Réseau doivent être financés par les dividendes de SNCF Voyageurs. Le gestionnaire d’infrastructure est ainsi fortement intéressé à la réussite de l’opérateur historique, bien plus qu’à celle des nouveaux entrants », déplore l’ART.

Autre cas flagrant de frein à l’ouverture, quand un nouvel entrant doit reprendre du matériel roulant à la SNCF qui a perdu l’appel d’offres, cette dernière renâcle à transmettre le carnet d’entretien des locomotives et des voitures concernées, arguant que les procédures de maintenance constituent un secret industriel. Le sujet va être bientôt tranché par la cour d’appel dans le cas de rames régionales qui doivent être cédées aux Hauts-de-France. Et quand il s’agit d’emplois de cheminots, la SNCF propose un nombre d’emplois temps pleins ramenés de 30 % à la baisse après intervention de l’ART.

* Depuis le 1er janvier 2020, SNCF Voyageurs (ex-SNCF Mobilités) est une filiale de la holding SNCF chargée de la circulation des trains tandis que SNCF Réseau (ex-RFF) est une autre filiale chargée de la gestion et de l’entretien des infrastructures. Les textes européens qui régissent l’ouverture à la concurrence doivent éviter qu’il y ait consanguinité. En principe.

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