Est-on désormais obligé de donner son nom quand on achète un billet de train ?

https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/est-on-desormais-oblige-de-donner-son-nom-quand-on-achete-un-billet-de-train_3489953.html

Raphaël GodetBenoît ZagdounFrance Télévisions Mis à jour le publié le

Une journaliste du “Monde” a dénoncé sur Twitter cette obligation. Celle-ci est critiquée par la Cnil, mais découle d’une loi qui autorise la SNCF à le faire. La pratique se généralise avec le développement des billets électroniques.

Des bornes automatiques de billets à la gare de Bercy, à Paris, le 30 mai 2017.
Des bornes automatiques de billets à la gare de Bercy, à Paris, le 30 mai 2017. (DENIS MEYER / HANS LUCAS)

“Encore un espace de liberté de moins. Le train, c’était voyager libre, sans traces, incognito. Depuis le 9 mai, au guichet ou au distributeur, même en argent liquide, chacun doit donner son nom.” Accompagné de la photo d’une affiche installée dans une gare, ce tweet d’une journaliste du Monde a été partagé plus de 2 000 fois depuis sa publication, mercredi 12 juin. De nombreux internautes se sont aussitôt émus, dénonçant une mesure “liberticide” et un “flicage”. Alors, vrai ou “fake” ?

Le 9 mai, la SNCF a mis en place sa nouvelle gamme tarifaire. Et tous ses nouveaux tarifs “sont passés au e-billet obligatoire”, explique la compagnie, contactée par franceinfo. Ce billet électronique se présente “sous la forme d’un code-barres qui peut être porté sur différents supports”. Il est par exemple téléchargeable sur smartphone ou imprimable sur une feuille de papier après l’achat.

Et cet e-billet est “nominatif”. Quand un voyageur l’achète, il “doit forcément donner son nom”, même s’il ne dispose pas d’une carte de réduction et même s’il règle en argent liquide. Et puisque ce billet électronique est “nominatif”, il “ne peut être cédé à un tiers”. Ainsi, il “permet d’éviter les cas d’usurpation d’identité” et “les usages frauduleux”, fait valoir la SNCF.

Seuls certains trajets en TER y échappent

Surtout, ce format lancé en 2010 tend à se généraliser : en avril, sur 100 billets vendus, plus de 89 étaient des e-billets, affirme la SNCF. Désormais, “pour la majorité des tarifs grands publics”, il est donc “demandé de renseigner les noms, prénoms et date de naissance de chaque passager”, quels que soient “les canaux de distribution (gares, bornes de libre-service, internet, agence de voyage…), indique l’entreprise.

C’est usuel, comme c’est le cas dans l’aérien, les différentes cartes de magasins, achat sur internet, etc…La SNCFà franceinfo

Les e-billets concernent désormais les voyages en TGV, en Intercités à bord desquels la réservation est obligatoire et en TER, si ceux-ci comportent une correspondance avec un TGV ou un Intercités à réservation obligatoire. Pour les trajets en TER sans correspondance, il n’est pas nécessaire de s’identifier, précise la SNCF.

Ses clients peuvent en outre encore acheter des billets classiques, dits “IATA”, sur les bornes en libre-service, argue l’entreprise. Mais ceux-ci ne sont disponibles que pour des tarifs bien particuliers, comme le tarif militaire, handicapé ou accompagnateur d’handicapé, le billet pour animal de compagnie, les anciennes cartes de réduction toujours en cours et jusqu’à leur échéance, comme la carte jeune ou la carte Senior+, liste le groupe. Et de toute façon, le nom du titulaire figure sur la carte: on ne peut donc pas faire le trajet anonymement.

Pour la Cnil, un droit à voyager anonymement

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a rendu plusieurs avis sur la question : dès 1991 concernant la SNCF, puis en 2003 et 2004 à propos du Pass Navigo de la RATP, et enfin en 2011 pour les transports en commun dans leur ensemble. Interrogée par franceinfo, la Cnil rappelle que sa position n’a pas changé : la commission “estime de manière générale que le droit à voyager de manière anonyme est un droit fondamental pour chaque passager”. Et elle précise qu’elle compte “se rapprocher de la SNCF Mobilités pour analyser l’ensemble de ces éléments”.

L’avis de la Cnil n’a toutefois pas été suivi par le législateur. En 2016, la loi Savary, “relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs”, a en effet fixé de nouvelles règles.

La loi autorise la SNCF à exiger votre nom

Ce texte impose ainsi aux passagers des transports ferroviaires d’“être en mesure de justifier de leur identité”, “lorsqu’ils ne disposent pas d’un titre de transport valable à bord” des trains, mais aussi lorsqu’ils se trouvent “dans les zones dont l’accès est réservé aux personnes munies d’un titre de transport” ou “lorsqu’ils ne régularisent pas immédiatement leur situation”.

Quant aux entreprises comme la SNCF, elles “peuvent subordonner le voyage de leurs passagers à la détention d’un titre de transport nominatif”. Dans ce cas, “le passager est tenu, lorsque l’entreprise de transport le lui demande, de présenter un document attestant son identité”, afin de vérifier qu’elle corresponde à celle mentionnée sur le titre de transport. Une disposition transposée par la SNCF dans ses conditions générales de vente.

Un risque de verbalisation

Si la carte d’identité n’est pas nécessaire à l’achat du billet en gare ou par internet, elle peut en revanche être exigée à bord du train, indique la SNCF. Le contrôleur est en effet habilité à vous demander votre pièce identité. Et si le nom figurant sur votre billet ou votre carte de réduction n’est pas le même que celui inscrit sur votre pièce d’identité, il peut vous verbaliser. Le montant de l’amende, qui peut aller de quelques dizaines à plusieurs centaines d’euros, est fixé selon un barème complexe qui varie en fonction du type de train (TGV, Intercités…) et de la distance parcourue à bord, expose la SNCF, renvoyant à ses conditions générales de vente.

Et si le voyageur refuse le contrôle d’identité nécessaire à l’établissement du procès-verbal constatant l’infraction, le contrôleur est en droit d’alerter la police. Le client récalcitrant prend alors le risque d’être débarqué du train par les policiers et retenu en gare, voire au poste de police, le temps nécessaire à la procédure. S’il s’y oppose, il s’expose à une peine de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. De même, s’il ne paie pas l’amende à la SNCF, il encourt des poursuites pénales, conformément au Code de procédure pénale.

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